Extrait du journal de soumission

Merci pour les épines

La pièce était fraîche, le décor particulier, les briques rouges étaient apparentes, au mur de superbes tableaux peint par le propriétaire des lieux. Des objets SM étaient également accrochés et au sol une épaisse moquette. Ils avaient plutôt dans la journée montée au milieu de la pièce un portique et à son centre le bambou nous attendait. 

Ma partenaire et moi espérons ce moment depuis cet été, nous avions déjà eu la chance de tenter, ensemble, un bondage barbelé en face à face qui avait été un superbe moment. Nous avions alors eu l’impression de ne faire qu’une, entravée dans ces liens piquants, nous avions admirablement géré notre souffle, notre douleur, pour fusionner et vivre un moment hors du temps. Alors, quand son Maître nous avez parlé le soir même de la possibilité de refaire un bondage barbelé dos à dos, les bras tenus en forme de croix, nous avons, toutes les deux, été séduites par l’idée. 

S est une jeune femme charmante, un corps menu et musclé, une longue chevelure blonde et des grands yeux clair. Dès notre première rencontre, j’avais tout de suite apprécié sa personnalité, et la façon dont nous partagions, toutes les  deux, la passion pour les jeux pouvant aller loin. La parfaite partenaire pour les pratiques où la douleur est au rendez-vous, et pour ne rien gâcher, une proximité nous permettant de nous réconforter l’une, l’autre.

Après plusieurs mois à fantasmer sur ce nouveau bondage, il était temps de passer à l’action. Une appréhension mêlée à l’excitation planait dans la pièce. On nous positionna, dos à dos, bras tendu, jambes écartées, seules nos mains et nos fesses étaient en contact. Ils nous lièrent les bras au bambou dans un bondage rapide pour être sûrs que les proies ne puissent s’échapper.

Le barbelé commença à mordre le bas de l’une de nos chevilles pour peu à peu serpenter jusqu’en haut de la cuisse. 

La pose est longue et rude, son Maître tirant tour à tour d’un côté et de l’autre, les piques rentrant plus intensément dans la chair. Mon Maître est en face, attentif, il admire et en même temps guette chez moi le moindre signe pouvant laisser penser que c’est trop. 

A chaque passage, on souffle, on essaie d’étouffer les cris, mais ce n’est pas toujours simple. Pour garder l’équilibre, on avance, par erreur, toutes les  deux, la jambe encore libre, on nous repositionne, on souffle un instant et le ballet reprend. 

On enserre de nouveau la cheville, puis on remonte, je souffre, j’ai mal, je crie. Je sais que ce n’est qu’une question de temps, une fois la première douleur passée, le corps finit par s’habituer, mais le barbelé sur la peau à l’extérieur du genou est un véritable calvaire. 

Je donne mon safe word, Mon Maître accourt vers moi, ma tête s’écrase sur son torse, le Maître de S se fige. Je suis mortifiée, tout ça pour ça, des mois d’envies pour abandonner si rapidement, je souffle, on me demande si on arrête, je tente de reprendre mes esprits et répond finalement non. 

Bien que mon cerveau me répète que je suis totalement folle de vouloir continuer, une courte pause et le ballet reprend. Les piques se plantent, on souffle, on crie, on se caresse du bout des doigts pour se donner du courage. Le barbelé s’enroule un peu plus haut, une pointe atterrit sur mon mont de Vénus, juste au-dessus de ma fente, surtout ne pas bouger, ne pas stresser.

Arrive le tour du ventre, c’est probablement l’endroit le moins douloureux, j’inspire, j’expire, je sens les piques, j’essaie de crier le moins possible pour ne pas déranger ma partenaire qui, a priori, tente de faire de même, mais parfois ça nous échappe. 

Vient le tour des seins, puis la gorge, j’angoisse, surtout ne pas bouger. Puis les bras qui font un mal de chien car mine de rien, ce n’est pas trop une zone qui a l’habitude d’être mal traitée. 

Je ferme les yeux, il arrange le barbelé sur nos corps, serre un peu plus un endroit, relâche un autre, les piques qui se délogent et se relogent dans la peau sont d’une douleur innommable. Je lance des regards dignes d’une furie et me fends de plusieurs sarcasmes qui montrent mon état de stress en ce moment. Après avoir joué à bouger le barbelé, les voilà partis, nous laissant ainsi le temps d’aller boire une bière au salon.

J’angoisse comme une folle, mais j’essaie de calmer au mieux ma respiration pour ne pas que S en pâtisse. La position est inconfortable au possible, pour ne pas peser l’une sur l’autre nous sommes obligés de gainer, nos jambes tremblent car nos muscles tétanisent. Contrairement au bondage barbelé face à face, il ne faut pas respirer en osmose avec sa partenaire, mais plutôt en décaler. Autre grosse différence, on ne peut pas se caler de manière à soutenir le poids l’une de l’autre, tout est dans les jambes et je peux vous assurer que la douleur musculaire et quasi pire que la douleur de la pose des barbelés. 

Bref, on est là, ligotées par des piques, à essayer de tenir tant bien que mal, ils nous ont laissé dans la pénombre, je suis toujours aussi stressée, et je ne peux m’empêcher, comme à chaque fois que je suis stressée, de faire de l’humour.

Parce que tout de même, la situation est cocasse, nous sommes dans un garage transformé en donjon, plongée dans la pénombre avec en fond… Elton John qui chante, avouez que c’est cocasse tout de même ? Honnêtement, on pourrait se croire dans le garage d’un tueur en série, nous ayant saucissonnées là, sur une musique à l’opposé de l’acte, à tout moment, il pourrait passer la porte pour nous découper avec une tronçonneuse.

Ces réflexions improbables ont pour effet de beaucoup amuser ma partenaire et nous partons sur une discussion, en sommes, il nous manquerait plus qu’un petit thé et on pourrait presque croire que l’on est agréablement installées. 

Malgré la bonne humeur et les rires, la douleur est toujours bien là et S commence à flancher, elle me dit que ses pieds ne touchent plus le sol, qu’elle est en train de tomber en arrière. Je crie pour appeler nos Maîtres qui sont là en un claquement de doigt et on doit se l’avouer c’est plutôt rassurant ! 

Il est donc l’heure de nous détacher et la douleur est tout autant au rendez-vous que pour la pose. Le Maître de S décide de nous détacher seul, ça me frustre un peu que Mon Maître ne soit là que pour regarder, j’aurai aimé plus d’interaction entre N/nous.

Pour déposer le barbelé, il opte pour deux méthodes, d’abord désentortiller à la main, puis à la pince. Lorsqu’il le fait à la main, c’est bien moins douloureux car les piques sortent de la peau progressivement, alors qu’à la pince tout s’échappe d’un coup et les points de pression “explosent” laissant place à une douleur vive.

Au fur et à mesure qu’il enlève le bondage, je sens que mes jambes ne me porte plus, je n’arrive plus du tout à plier les genoux et j’angoisse terriblement, je tétanise, et Mon Maître vient dès que possible à ma rescousse pour me soulager et tente de m’asseoir pour que je reprenne le contrôle de mes jambes.

Je ressens assez rapidement le shot d’hormones, malgré la raideur des jambes, je suis sur un petit nuage, c’est très différent, lors du premier bondage barbelé avec S, nous étions sortie de ce moment dans un état méditatif, sereine, dans un total lâcher prise. Là, je me sens heureuse et extrêmement speed. Cela est probablement dû au fait que l’énergie lors de ces deux séances était complètement différente. A refaire, j’avais largement préféré la première fois en face à face.

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